C’est chez Écofrost que Christophe a entamé sa carrière professionnelle, il y a six ans. Il n’a pas connu d’autre emploi auparavant. À 28 ans, il est responsable du conditionnement, cette étape qui va de la sortie du tunnel de surgélation jusqu’à l’entrée dans les frigos, où les palettes chargées de boîtes sont entreposées en attendant d’être livrées. Tout est automatisé : les frites sont pesées, mises en sachet, empaquetées dans des cartons sans aucune intervention manuelle.

Assurer la supervision et notamment les conflits

Christophe ne travaille pas sur les lignes mais assure la supervision de l’ensemble. Il règle les problèmes qui lui sont rapportés, veille sur la maintenance pour vérifier que les machines restent en bon état. Il assure également le suivi des projets de développement, d’automatisation, ainsi que les contacts avec les fournisseurs. Une partie de ses fonctions l’amène à s’occuper en outre de ressources humaines. À cet égard, il confie que ce qui le fatigue le plus au boulot, ce sont « les conflits interpersonnels, et de façon plus large, tous les « non-dits ». »

Christophe d'Ecofrost : « Cela me fatigue, les gens qui se font la guerre en passant par mon intermédiaire, sans se parler directement. Si quelqu’un se plaint d’un collègue en l’accusant d’avoir mal fait son travail, est-ce que l’autre a vraiment mal travaillé ou l’accusation cache-t-elle autre chose, un conflit, une inimitié ? Cela fait perdre de l’énergie. Parfois, la solution passe par le fait qu’on s’asseye à trois autour d’une table, pour mettre les choses à plat en demandant à chacun : qu’est-ce que tu attends de lui et toi, de ton côté, qu’attends-tu de lui ?»

Le rôle du leader

Contrairement aux opérateurs, Christophe n’est présent chez Écofrost qu’en journée. Il est directement en contact avec les équipes du matin et celles de l’après-midi, mais ne voit pas les équipes de nuit. Celles-ci peuvent toutefois lui faire remonter une info par WhatsApp ou Messenger ou en laissant un message au bureau. Pour bien comprendre en quoi consiste son travail, il faut dire un mot d’une autre fonction, celle de leader ou chef d’équipe.

Christophe d'Ecofrost : « C’est un opérateur qui tourne à pause, avec les gens de son équipe, explique Christophe. Il va les guider vers l’objectif commun, à savoir sortir un produit de qualité, conforme aux exigences du client. Le boulot du leader est de faire remonter toutes les problématiques qu’il rencontre : par exemple, en ressources humaines, le fait qu’une personne ne soit pas suffisamment formée. Mon collègue Éric ou moi, nous allons nous en occuper. Le leader de terrain a la particularité de tourner avec une équipe. »

Découpler les leaders de leurs équipes

Christophe a suivi le lab d’innovation. Il en a tiré de nombreux enseignements en matière d’organisation, en particulier sur la façon d’envisager le rôle des leaders. Il était notamment question de « dissocier » les leaders de leur équipe.

Christophe d'Ecofrost : « Avant, un leader était attaché à une équipe et tournait toujours avec la même. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. On a décidé que la tournante des leaders serait décalée par rapport aux équipes. Quel effet cela produit-il ? Une dynamique plus intéressante. Comme le leader n’est plus rattaché à une seule équipe, il va travailler avec des gens différents. Il n’a plus la responsabilité de faire tourner seul son équipe pendant huit heures avec toujours les mêmes hommes. Ce sont plutôt les trois leaders ensemble qui sont responsables collectivement de faire tourner l’usine pendant 24 heures. Cela permet d’éviter des situations d’intérêts conflictuels. Par exemple, auparavant, un chef d’équipe pouvait dire : “Mon équipe est trop faible, il faut lui ajouter un élément fort”. Fort, c’est-à-dire quelqu’un qui travaille bien, qui connaît les machines, qui est fiable, qui arrive à l’heure, etc. Pour le trouver, il fallait négocier avec les autres chefs d’équipe. Chacune tirait la couverture à soi et personne ne voulait se priver d’un élément fort. »

Fédérer les équipes de la semaine et du weekend

Christophe d'Ecofrost : « Aujourd’hui, le problème d’une équipe faible concerne tous les leaders. L’objectif est plus consensuel entre eux. Il n’est plus lié à des personnes ; c’est désormais l’objectif de l’entreprise. A contrario, on voit qu’une difficulté subsiste dans la relation entre les équipes de semaine et celles du week-end, qui sont tout à fait séparées. Si quelqu’un veut travailler le week-end, cela pose problème aux équipes de semaine, qui sont réticentes parce qu’elles seront déforcées et qu’il n’y pas la possibilité de s’arranger comme en semaine. »

Des profils différents qui favorisent les interactions

Christophe d'Ecofrost : « On a vu dans le lab d’innovation que le chef d’équipe idéal n’est pas un superman. Dans beaucoup d’entreprises, on valorise des leaders qui ont des compétences techniques très fortes. Font-ils toujours les meilleurs leaders ? Certains peuvent être très compétents sur les machines sans faire pour autant du bon management. Pour d’autres, ce sera l’inverse : moins forts techniquement, mais mieux à même d’être à l’écoute des gens et de discuter avec les personnes. La force du nouveau système de leaders qui tournent en décalage avec différentes équipes, c’est que, pendant une semaine, l’opérateur qui a des faiblesses techniques peut apprendre d’un leader très compétent sur ce plan, qui va lui montrer des tas de choses sur les machines, La semaine suivante, il travaillera avec un leader qui est davantage dans l’écoute, à qui on peux confier ses doutes... L’hétérogénéité des profils de leader va permettre de créer beaucoup d’interactions différentes. »

Tisser plus de liens entre une organisation innovante et le personnel

L’avenir de l’usine n’est pas tracé d’avance. Chaque innovation amène en effet sa part de complexité. Il y a toujours l’un ou autre trou dans une organisation, qu’il faut parvenir à combler. Par exemple, un départ d’un collègue peut créer un "trou" pour lequel il faudra du temps pour trouver/former une nouvelle personne afin de le remplacer.

En attendant, ses tâches sont assurées en partie par d’autres, mais le système n’est pas optimal. Comme le fait apparaître le lab d’innovation, une meilleure organisation permet de limiter les tensions : « Si quatre problèmes arrivent en même temps, explique Christophe, je sais maintenant que je peux me décharger d’une partie grâce à tel et tel collègue ».

Un rapport au travail différent

Il n’est pas aisé de trouver des collaborateurs, ni surtout de les fidéliser. Il suffit, pour s’en convaincre, de jeter un œil sur les offres d’emploi qui figurent sur le site de l’entreprise : ouvriers, employés, stagiaires, les propositions ne manquent pas. Mais, c’est un constat unanime, le rapport au travail a changé. Les priorités se sont déplacées, au profit de la sphère privée, du loisir, de l’épanouissement personnel. Comment faire, dès lors, pour attirer les jeunes, en particulier dans une usine fortement automatisée comme l’est Écofrost ? La problématique fait l’objet de réflexions en interne.

Christophe d'Ecofrost : « On en a discuté avec le responsable maintenance la semaine dernière. Quand des personnes plus âgées postulent pour un emploi, c’est parce qu’elles doivent subvenir aux besoins d’une famille. Beaucoup de jeunes viennent travailler sans la pression de la nécessité d’un salaire parce qu’ils vivent encore chez leurs parents. Ils ne sont pas forcément pressés d’occuper un poste stable et cherchent d’abord quelque chose qui leur plaise dans le travail. Ils peuvent très bien passer chez nous quelques mois puis s’en aller sans même attendre d‘avoir trouvé autre chose, parce qu’ils estiment que l’usine ne leur convient pas. »

Les machines se complexifient et le facteur humain devient central

Christophe d'Ecofrost : « On a de plus en plus de mal à fidéliser les gens, c’est une réalité. On ne dispose plus de trois ans pour former quelqu’un parce qu’il y a des risques qu’au bout de trois ans, la personne ne soit plus là. On doit donc accélérer le rythme des formations pour faire face aux rotations parmi les travailleurs. Une des choses qui permet d’augmenter la rétention du personnel, c’est l‘écoute. Quand les gens se sentent écoutés, ils s’impliquent plus, et plus ils s’engagent, plus ils ont envie de faire évoluer les choses et de rester. »

Qui l’eût cru : le facteur humain est donc primordial. Mais l’intégration des nouveaux collaborateurs peut aussi être facilitée par l’automatisation, comme l’explique Christophe. 

« Au total, sur l’ensemble des machines, on doit avoir un millier de paramètres à gérer. Pour un nouveau qui doit apprendre à gérer et régler ces mille paramètres, le travail prendra énormément de temps. Si on parvient à automatiser le réglage de cent paramètres, avec des alertes qui préviendront quand quelque chose est mal paramétré, cela fera dix pourcents de moins à apprendre. Ceci dit, on en est arrivés à des machines tellement complexes que dans tous les cas, les gens auront besoin d’être soutenus. »

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