Quand Céline a commencé à travailler à la brasserie Lefebvre en 2005, son père dirigeait l’affaire d’une main ferme : « Il décidait de tout et tout le monde s’exécutait », se rappelle-t-elle. Le premier dossier qui fut confié à cette jeune licenciée en gestion fut celui des ressources humaines. 

Un souffle nouveau sur le management de l’entreprise

Aujourd’hui, c’est elle qui est à la tête de l’entreprise familiale, en duo avec son frère Paul. Un versant de sa fonction est d’ordre administratif, en particulier du côté des RH, l’autre, d’ordre commercial : documentation d’exportation, administration des ventes, etc. Ingénieur brasseur, Paul est pour sa part davantage tourné vers les questions techniques liées à la production. 

Avec cette nouvelle génération, l’organisation a beaucoup changé : « On est maintenant dans un système plus large et beaucoup plus transversal », explique Céline. « On a donc modifié certaines choses, mais cela impliquait de notre part une autre manière de travailler, ce dont nous n’étions pas forcément conscients. Depuis qu’on a participé aux labs d’innovation, on l’est beaucoup plus. »

Impliquer les équipes dans les changements de l’entreprise dès le début

Céline a suivi les labs d’innovation en compagnie du directeur de site, un responsable technique de l’entreprise. Grâce à cette formation, elle s’est mieux rendu compte des impacts qu’une vision déterminée de l’organisation peut avoir sur tout le reste de la chaîne de fonctionnement. Elle a compris que si elle ne voulait pas ramer à contre-courant pour faire passer ses idées de changement, il lui faudrait embarquer les équipes depuis la conception d’un projet jusqu’à sa concrétisation finale. Il fallait aussi qu’elle ne se sente plus obligée de tout résoudre par elle-même.

Une bonne communication est essentielle à cet égard, pour fixer le cadre, faire circuler les informations utiles à la bonne marche du travail, éviter les tensions ou les pertes de temps liées aux malentendus. « Un jour, au cours d’une séance du lab d’innovation, Frank De Craecker me dit : "Tu es dans une entreprise familiale : vous n’êtes encore que 48. Pourquoi ne descends-tu pas sur le terrain, pour voir les équipes, leur présenter le problème et leur demander de revenir avec une solution ?"   Je n’avais pas trop confiance en ce type de démarche, que je ne pratiquais pas, mais maintenant je le fais. Je dis : "Il y a un souci les gars, avec ça qui ne va pas. Le cadre, vous le connaissez, c’est celui-là. Je vous propose de discuter du problème pendant 20 minutes et de revenir avec une solution."  La responsabilisation des équipes nous allège la tâche tout en contribuant à enrichir leur cadre de travail. En les faisant participer, on sent vraiment qu’une autre dynamique s’est installée, que les choses percolent bien jusqu’en bas, que les questions dont on se disait que ce n’était pas à nous d’y répondre, ne nous parviennent même plus. »

Mobiliser chaque équipe

Un déménagement d’envergure a mobilisé le personnel fin 2023. La brasserie loue un vaste hangar de stockage situé à l’écart de l’usine. Ce local a été abandonné, pour réduire les frais. En lieu et place, les stocks ont été ramenés dans l’enceinte même de l’usine, où sera installé un système de racking dynamique. Cette solution de stockage fait avancer automatiquement les palettes sur des rouleaux dès qu’on en enlève ou en ajoute un. Ce déménagement a demandé des modifications dans l’organisation du travail, notamment les aménagements d’horaire. La surface de préparation des commandes a diminué. Celles-ci doivent être préparées juste à temps. Une équipe doit donc travailler plus tôt pour charger le camion de la brasserie avant que le chauffeur arrive et que débute le va-et-vient des livraisons et expéditions.

« Pour mener à bien ce projet, toutes les équipes ont été mobilisées. On a eu le débat en comité de direction, raconte Céline : comment est-ce qu’on la joue ? La réponse a été très rapide : on ne décide pas tout nous-mêmes ; on le fait en équipe, en incluant les directeurs, les managers et les brigadiers, c’est-à dire les chefs d’équipe. La brigadière de l’équipe administrative participe au groupe de travail ‘Organisation et ressources humaines’. Elle a beaucoup d’ancienneté ; elle sait ce qui fonctionne et ne fonctionne pas. Le fait de se décharger, d’organiser des groupes de travail, des réunions mensuelles de mise en commun, toutes les trois semaines, pour le déménagement qui approche, cela a pour moi un effet très positif. On se rend compte que chacun sait beaucoup de choses, mais les réunions permettent de lier le tout. Puisqu’on arrive à avancer sur cette grosse décision sans avoir l’impression de se heurter à des obstacles, c’est le signe que chacun se sent à l’aise dans ses tâches. Cela participe au bien-être collectif. »

L’enquête « Travail faisable » offre une analyse multidimensionnelle

Divers groupes de travail ont été mis en place suite aux labs d’innovation : groupe de travail énergie, déchets, consommation d’eau. Il s’agit de groupes totalement transversaux, auxquels tous les travailleurs peuvent participer. Une autre initiative est l’organisation dans la brasserie d’une enquête « Travail faisable », mise au point par le centre d’expertise Workitects. Les analyses de cette enquête, effectuées d’abord dans plusieurs entreprises en Flandre, ont permis de recueillir au fur et à mesure diverses données susceptibles d’alimenter des comparaisons. Céline s’étend longuement sur le processus, qui lui est apparu très positif.

« La délégation syndicale avait demandé qu’une analyse psychosociale soit effectuée au sein de l’entreprise.  La proposition de « Travail faisable », nous a paru particulièrement intéressante parce qu’elle comporte plusieurs dimensions, notamment l’analyse du bien-être au travail, mais d’autres facteurs sont aussi jaugés, notamment tous les aspects organisationnels (innovation, management, leadership… ). En plus, elle comporte des éléments de comparaison qui permettent de se situer par rapport à la moyenne du secteur. Cela nous conforte sur certains points ou au contraire, nous amène à nous dire que nous faisons fausse route. »

« De manière globale, le résultat était plutôt positif. On a eu un accompagnement pour interpréter ces résultats, et moi j’ai dû les expliquer à notre Comité pour la Prévention et la Protection au Travail. On n’a pas dévoilé les scores bien précis de chaque point, mais je les ai commentés. Les membre du CPPT ont reçu de ma part une info pas quantitative mais qualitative, avec mon interprétation. Je leur ai dit aussi : « c’est vous qui connaissez vos équipes, c’est vous qui êtes sur le terrain, donc si vous n’êtes pas d’accord avec moi, à vous de me le dire », mais j’ai eu peu de retour à ce sujet. »

Comparer les perceptions et le travail dans chaque équipe

« Dans le travail faisable, on peut comparer des groupes entre eux à partir des réponses à la même série de questions. On a comparé ceux qui avaient un travail dicté par le rythme des machines et ceux qui ne l’avaient pas. Cela recoupe la distinction ouvriers-employés, mais pas uniquement. La logistique n’est pas soumise au rythme des machines. On constate que les gens qui sont soumis à ce rythme vivent le travail différemment des autres, sur beaucoup d’aspects (le leadership, la récupération après le travail, la manière d’envisager l’avenir…). Suite à ces analyses, on a dégagé des points d’action à mettre en œuvre, dont on a discuté avec la délégation syndicale. »

La communication, rôle clé dans une organisation du travail résiliente

L’accent a été placé sur la communication, à commencer par la diffusion d’informations au sein même de l’espace de travail. Ainsi, dans l’usine, des écrans ont remplacé un vieux tableau d’affiches, vestige de pratiques devenues obsolètes, comme l’explique Céline :

 « On a des écrans sur poste qui permettent de très vite prévenir les opérateurs. Pour dire par exemple ; il y aura un arrêt machine pour une intervention dans un quart d’heure ou bien : demain attention, changement de programme. Les lignes de conditionnement restent soumises à la variation. Il est indispensable que l’information circule rapidement. »

En matière de communication, les échanges directs restent primordiaux. Et Céline en a fait une priorité d’action : « Je veux absolument que les équipes se réunissent tous les matins, ne serait-ce, par exemple, que pour évoquer les problèmes rencontrés la veille. Cela a été difficile à mettre en place parce que les gens pensent que ce n’est pas nécessaire. Mais tout démontre que ça l’est et qu’il y a des solutions à trouver de façon collective. »

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